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SCIENCES et PRATIQUES CORPS – ESPRIT

Le 6éme Colloque « Sciences et Pratiques Corps-Esprit » a été organisé du 13 au 15 décembre 2018 par l’institut français de pratiques psychocorporelles, qui travaille en lien avec l’hôpital Bicêtre (unité Anesthésie et réanimation chirurgicale et unité Anti-douleur).

Ce colloque a créé l’évènement en mettant en évidence la force de l’esprit sur le corps. Longtemps, la médecine occidentale, fille de Descartes, a dissocié les deux. Mais les découvertes de ces cinquante dernières années l’ont ébranlé ; « les neurologues ont montré qu’il existe un feed back constant entre l’esprit et le corps », explique Joël de Rosnay. Ce lien est bien concret, physiologique.

Le colloque fait un point précis sur les avancées de la science dans un domaine en plein essor.

Le magazine Hors-série Sciences et Avenir janvier / février 2019 (en couverture « comment l’esprit guérit le corps, les dernières découvertes ») en donne de nombreux échos, dont voici ci-dessous un choix forcément subjectif.

Extraits de l’interview « il existe un feed-back constant entre le corps et l’esprit » par Joël de Rosnay

Que signifie le mot « esprit » pour les médecins ?

Il renvoie à une conscience consciente d’elle-même. La conscience n’est pas distincte du corps. Elle émerge de l’interdépendance de ses différentes fonctions, représentées par les organes cerveau, cœur, poumons, intestins, foie ou reins, en relation avec leur environnement. Avec pour résultat l’apparition d’un sentiment de soi. « Cogito ergo sum », je pense donc je suis. Et si je sais que je suis, que j’existe, je réagis instantanément à toute une série d’informations venues de l’extérieur qui touchent mon corps, ma raison, et peuvent altérer ma santé. On se sent malade, on se rend malade, on tombe malade. Certaines expressions communes témoignent de ce lien : être mal dans sa peau, se faire un sang d’encre.

Il existe selon moi, un feedback constant entre le corps et l’esprit, notamment par l’intermédiaire de neurotransmetteurs, le cerveau ne jouant pas un rôle dominateur, mais coordinateur. Une interrelation montrée notamment par le neurobiologiste français Jean- Pierre Changeux.

….Il faut absolument citer le nom de la neurologue italienne Rita Levi-Montalcini, qui a reçu en 1986 le prix Nobel de physiologie ou médecine, pour son travail remarquable sur la neuro-psycho-immunologie. Les trois éléments de ce terme sont importants. Le système nerveux est en relation avec le système hormonal. Le système hormonal est en relation avec le système immunitaire. Et les trois s’influencent globalement. La maladie n’est pas seulement originaire d’un organe, elle peut venir d’une mauvaise relation entre les trois systèmes. Cette approche interdisciplinaire donne des arguments scientifiques aux médecins, qui peuvent désormais s’attacher à identifier la synergie entre tel organe et tel réseau, comme le système nerveux dans lequel beaucoup placent le siège de « l’esprit ».

…L’approche [interdisciplinaire] a été étendue à de nombreux domaines. Au plus simple : l’autosuggestion, ou ce qu’on appelle le training autogène. Soit comment, par son esprit il est possible de se conditionner, de se forcer à dormir par exemple. Certains navigateurs de la dernière Route du Rhum ont ainsi pu, en pratiquant un sommeil fractionné, s’assoupir seulement 3 à 4 heures par 24 heures. Bertrand Picard, qui a piloté l’avion solaire Solar Impulse autour de la planète, était capable de s’autosuggestionner pour s’endormir en moins de 30 secondes. Tous ces sportifs et aventuriers mettent à profit les relations entre l’esprit et le corps. Mais celles-ci sont dominées, et entraînées grâce à ce que la science nous a appris. Et chacun peut s’en emparer.

Vous parlez beaucoup du stress. Est-il central dans cette relation entre le corps et l’esprit ?

[….] Il existe aussi un mauvais stress, chronique, qui met l’organisme en état de détresse. Il le sature de cortisol, avec toutes sortes de conséquences négatives, dont l’inflammation, l’oxydation, deux grands tueurs qui ont pour conséquences des maladies comme celles de Parkinson, la cataracte, les rhumatismes, les affections auto-immunes….Le corps rouille et s’attaque lui-même.

[ ….] Les cinq clés : une nutrition équilibrée, c’est fondamental, peut-être même la priorité des priorités ; la pratique régulière d’une activité physique, 20 à 30 minutes par jour, même s’il s’agit simplement de marche ; la gestion du stress par la respiration, le yoga, la méditation… ; le plaisir que l’on oublie trop souvent à cause des injonctions séculaires de l’Eglise, mais qui est le moteur de la vie ; enfin l’harmonie du réseau social, familial, professionnel. Cette harmonie-là favorise la sécrétion d’hormones : endorphines, ocytocine, dopamine qui créent dans le corps un état de bien-être et contribuent au fonctionnement harmonieux des gènes et donc des organes.

Dans l’article intitulé « Méditation : la force tranquille du mental », Sciences et Avenir remarque, entre autres :

Le bien-être dépendrait aussi de notre capacité à maintenir notre attention. Richard Davidson, Professeur de psychologie et de psychiatrie à l’Université Wisconsin-Madison (USA), rappelle que le multitâche est un leurre, le cerveau ne pouvant se fixer réellement que sur une activité à la fois. Alors que nous sommes assaillis de sollicitations, apprendre à se concentrer davantage deviendrait donc un enjeu pour notre santé mentale. Toutes ces expériences aboutissent à la même conclusion optimiste. « Nous pouvons façonner notre cerveau de manière à renforcer les composantes fondamentales du bien-être », résume Richard Davidson. Car à force de s’entraîner à ces exercices mentaux, il tend à se modifier. [….]

Extraits de l’interview de Richard Davidson, professeur de psychologie et de psychiatrie à l’Université Wisconsin-Madison (USA) : « Le bien-être, comme le violon, s’acquiert en s’entraînant. »

Grâce à nos travaux concernant l’impact [des méditations] sur le cerveau, nous avons observé que stimuler le mental conduit à des changements dans le comportement et les fonctions cérébrales. Et nous en sommes arrivés à cette conclusion : le bien-être peut être considéré comme une compétence. S’entraîner pour l’acquérir n’est pas fondamentalement différent d’apprendre à jouer du violon. Plus vous pratiquerez, meilleur vous serez dans ce domaine.

A partir de quel âge devrions-nous enseigner cette compétence ?

Le plus tôt possible ! Nous devrions enseigner aux enfants à reconnaître leurs émotions, à adopter la perspective des autres, dès l’âge de quatre ans. C’est en effet une période critique importante pendant laquelle le cerveau est particulièrement plastique, ce qui rend d’ailleurs plus aisé l’apprentissage d’une seconde langue ou d’un instrument de musique. Le moment est donc judicieux pour apprendre à s’initier aux pratiques méditatives de bienveillance. Et l’on peut continuer tout au long de sa vie, comme une hygiène personnelle. Si l’on reconnaît l’importance d’éduquer l’esprit – ce qui est au moins aussi important que de se brosser les dents – on en prendra soin. Il suffit de quelques minutes par jour pour rendre le monde moins négatif. Vous pouvez me croire !

Dans l’article « Une révolution entre le soignant et le patient », Isabelle Célestin-Lhopiteau, fondatrice de l’Institut Français des pratiques psychocorporelles, explicite :

Les liens entre des niveaux élevés et récurrents de stress et le développement de pathologies telles que migraines, asthme ou douleurs articulaires sont établis. L’idée de santé intégrative entend précisément fournir à chacun des clés pour en prévenir le déclenchement. C’est aujourd’hui prouvé : plus on est actif, plus on mobilise ses ressources propres, qu’elles soient somatiques ou psychologiques.

Ces extraits montrent largement combien il est bénéfique de se prendre en main et de se sentir responsable de sa propre santé physique et mentale. N’est-ce pas une facette d’éducation de soi-même bien comprise, en véritable artisan du renouveau ?

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